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Retour sur mon déplacement en Israël : au-delà de la guerre, le 7 octobre, jour noir


La délégation parlementaire Quand quelques jours seulement après le massacre il m’est donné la possibilité de partir en Israël en soutien au peuple Israélien, avec des collègues de plusieurs groupes parlementaires, je me pose légitimement la question de l’intérêt pour les israéliens, pour les civils, pour l’armée, d’une telle visite à un tel moment. « Ils ont besoin de soutien, ils vous attendent » nous répond-t-on. «Evitez la zone de guerre » nous dit le quai d’Orsay. L’hésitation a été de courte durée et finalement nous partons le 15 octobre pour deux jours qui marqueront nos vies pour longtemps. Nous n’éviterons pas la zone de guerre où a eu lieu le massacre, car témoigner est une obligation. Nous sommes dix parlementaires dans la délégation et Manuel Valls, ancien premier ministre, ami de longue date d’Israël et combattant de la lutte contre l’antisémitisme est avec nous.


Shura, morgue improvisée pour corps non identifiés

Le camp de Shura est une base militaire habituellement dévolue à la logistique. Depuis le 7 octobre, tous les cadavres et morceaux de corps, quel que soit leur état, y arrivent pour identification. Lors de notre venue, 327 corps méconnaissables étaient en cours d’identification. Un travail difficile mais important pour les familles qui recherchent leurs proches. Un rabbin est là pour pratiquer le rituel juif de purification des corps ou de ce qu’il en reste. Cette cérémonie est essentielle dans le judaïsme et les terroristes qui ont méthodiquement mutilé, démembré, brûlé, le savaient.

Le colonel Olivier Rafowicz nous accueille, il fait ouvrir devant nous la succession de containers réfrigérés où sont entreposés sur des racks des sacs plastifiés de toutes tailles, dans lesquels reposent les corps. On nous distribue des masques pour atténuer l’odeur de charnier qui se dégage à l’ouverture de chaque container. Une avocate, réserviste, ne peut retenir ses larmes à l’évocation d’une des identifications auxquelles elle a procédé : un morceau informe calciné, indescriptible est amené un matin, impossible à l’œil nu de dire exactement de quoi ou de qui il s’agit. Le scanner montrera qu’il s’agit de deux enfants qui se tenaient dans les bras au moment où ils ont été brulés vifs.


Kfar Aza, kibboutz supplicié tel un nouvel Oradour

Les Kibboutzim existent depuis des décennies, certains mêmes avant la création de l’Etat d’Israël. Villages agricoles, ils sont la survivance d’une utopie collectiviste reposant sur la vie en communauté et la paix, une oasis au milieu du désert faite de petites maisons et de jardins arborés. Dans ces kibboutzim vivent les israéliens les plus progressistes, éloignés de la politique actuelle du gouvernement Netanyahu. Parmi les 18000 palestiniens qui traversaient chaque jour la frontière pour travailler en Israël, beaucoup sont des ouvriers agricoles des kibboutzim. Et certains ont permis aux terroristes de cartographier les lieux pour y pénétrer plus facilement. Une heure avant notre arrivée, nous enfilons gilets pare balle et casque. Un commando nous accompagne. Sur place, pas de roquettes du Hamas mais des tirs de mortier réguliers de l’armée israélienne et par moment, des rafales d’armes automatiques. Le bruit incessant des drones de Tsahal semble qu’une nuée d’abeilles vole au-dessus de nos têtes. Dans ce coin désertique, le bruit porte loin. Gaza est à moins de 3 kms. Nous voyons la ville palestinienne, au premier plan la clôture de béton érigée par Israël et supposée infranchissable, finalement ouverte par des bulldozers du Hamas, et devant nous, à l’arrière du kibboutz, les barbelés et le portail éventré par lequel les terroristes ont envahi le village.

A l’entrée, un pick up du Hamas endommagé, un engin motorisé qui a servi de parapente, un cadavre de terroriste sur le bas-côté. Kfar Aza a été attaquée par la terre et par les airs un matin de Shabbat. Maison par maison, les terroristes du Hamas ont violé, éventré, mutilé, torturé, brûlé vifs, femmes, enfants et hommes du kibboutz. 70 personnes ont péri à Kfar Aza. Certains ont pu fuir, d’autres ont survécu enfermés dans le shelter de leur maison (abri anti bombardement qui existe dans chaque logement) quand les assaillants ne les ont pas incendiés. La même odeur de mort que dans les containers de Shura flotte dans l’air. Le colonel Goal Walch, qui a également porté secours aux festivaliers massacrés du concert « tribes of nova », s’excuse de n’avoir pas pu prendre de photo d’un bébé décapité dont il a ramassé le corps. Ce soldat de Tsahal a été de tous les fronts y compris lors du récent tremblement de terre en Turquie. Mais ce qu’il a vu les 7 et 8 octobre, il ne l’avait jamais vu.

Partout dans Kfar Aza c’est la désolation et chaque pièce porte les stigmates indélébiles de la barbarie. Le même scénario s’est répété en même temps à Be’eri, Nir Hoz notamment.

Nous partons ensuite à Sderot, ville fantôme de 40 000 habitants, vidée de sa population. Ici les roquettes du Hamas et les pick up de terroristes ont déferlés sur la ville. Une vingtaine de policiers ont été tués, une vieille dame s’est volontairement défenestrée de terreur, les habitants sont restés calfeutrés 6h en attendant l’arrivée de l’armée. Nous restons peu de temps, le bruit des roquettes et les alertes sont réguliers. Trop dangereux.




Des otages de 9 mois à 88 ans, aux mains du monstre

La rencontre avec les familles des otages qui, depuis le 7 octobre, n’ont plus aucune nouvelle de leurs proches, restera inoubliable. Les échanges ont eu lieu à huis clos avant que la presse ne vienne questionner les familles. Dès le début, deux jeunes hommes venus avec un grand portrait de Céline, 32 ans, disparue à moment de l’attaque au concert de Tribes of Nova, ont reçu un appel de Tsahal. Un appel dont nous avons appris qu’il leur annonçait l’identification du corps de cette jeune mère d’un bébé de 6 mois, parmi les corps entreposés à Shura. Beaucoup d’émotion à l’évocation des récits de chacun. Ces familles ont connu l’enfer et la terreur de l’attaque et nous avons surtout voulu les écouter. Une mère de famille qui a vécu le massacre du kibboutz Nir Hoz, n’avait plus de nouvelles de son ex mari, sa mère, sa nièce et ses deux enfants Erez et Sahar. Depuis nous savons que la grand-mère et sa nièce ont été retrouvées décédées. Aucune nouvelle en revanche du père et de ses deux enfants. La France a perdu 35 Français dans le massacre du 7 octobre et 9 de nos concitoyens sont détenus à Gaza. Nous devons sans relâche penser à eux et réclamer leur libération.


Une économie et une vie à l’arrêt

Les journalistes en parlent peu mais depuis le 7 octobre, et cela s’est accentué avec les attaques du Hezbollah au Nord d’Israël, près de 200 000 israéliens sont déplacés et ne vivent plus dans leur maison. Dans les kibboutzim proches de Gaza où ont eu lieu les massacres, quelques habitants sont restés avec des soldats pour s’occuper des élevages d’animaux de ces fermes agricoles. Sdérot et d’autres villes moyennes ont été évacuées. Beaucoup d’enfants n’ont plus d’école. Les restaurants sont fermés, les hôtels réquisitionnés pour accueillir les déplacés. Les alertes, qui annoncent les roquettes du Hamas, sont incessantes. Le dôme de fer et ses batteries anti aériennes en intercepte 85% et pour ne pas être blessés ou tués par les débris, les israéliens sont priés de rejoindre les abris en parfois 30 secondes à peine. Chaque interception coûte 50 000$. Ces alertes sont le quotidien des Israéliens, même par temps calme.

La solidarité dont les Israéliens font preuve dans l’adversité, effaçant leurs divergences pour choisir l’unité, force l’admiration. Les réservistes sont arrivés en nombre du monde entier, laissant derrière eux leur vie professionnelle et leur famille. Pour leur patrie.




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